" L'âme est une terre lointaine."
Cette œuvre cinématographique est à voir dans son intégralité, sans concession ni pour les bourreaux, ni pour les victimes, il dépeint l’homme face à l’Histoire avec un grand H et face à sa propre histoire sans aucune concession…. Un film fleuve, en 3 parties sous le titre Welcome in vienna qui signe le retour d'une saga des année 1980 et relate la vie de 3 jeunes ados Autrchiens juifs durant la seconde guerre mondiale.
Dieu ne croit plus en nous, Santa Fe, Welcome in Vienna.
L'odyssée de deux soldats juifs américains, l'un, d'origine allemande, l'autre, d'origine autrichienne, qui retournent à Vienne en 1945. L'intégralité de la trilogie saluée par Claude Lanzmann est pour la première fois à l'affiche en France.
PAR DANIÈLE HEYMANN
Journal Marianne 26 novembre au 2 décembre 2011
Enfin ! Le continent de la mémoire exploré dans les années 80 par le réalisateur autrichien Axel Corti, disparu trop tôt, en 1993, peut être parcouru tout entier. C'est un voyage de trois fois deux heures qu'il ne faut en aucun cas manquer. Un voyage bouleversant à travers les destins fracassés de juifs chassés d'Autriche par le nazisme, d'hommes et de femmes devenus « émigrants à plein temps ».
Welcome In Vienna est grande leçon d'histoire, de cinéma et d'humanité, selon Claude Lanzmann, était, on le savait, une trilogie dont seule la troisième partie avait pu être vue. Présenté au Festival de Cannes, le film était resté dix-huit mois en salles. Mais les deux volets précédents, coproduits par les télévisions suisse, autrichienne et française, étaient demeurés inédits en France, séquestrés pour cause de faillites obscures. L'œuvre est désormais rassemblée. Adoptant le noir et blanc qui est celui du passé, le beau passé du cinéma, un noir et blanc qui autorise l'irruption de la réalité avec de brûlantes images d'archives, sans musique, si ce n'est, parfois, en leitmotiv inopiné, quelques mesures du dernier Quintette pour violon de Schubert, comme un sanglot réprimé, Welcome In Vienna suit de très près la vie, la survie de son scénariste, Georg Stefan Troller. Ses fuites, ses errances, ses tenaces espérances. On est emporté dans la cruauté, l'absurdité d'une épopée tragique zébrée d'éclats d'humour noir, où l'on cite Alfred Dôblin, l'auteur de Berlin Alexanderplatz, Stefan Zweig, Walter Benjamin,
Première partie Dieu ne croit plus en nous, tourné en 1982. A Vienne, en 1938, après la nuit de cristal. Ferry Tobler (lohannes Silberschneider), est un adolescent déjà sans âge, son père vient d'être batru à mort, il fuit, il veut fuir. Rafles, courses dans la nuit, partir, il faut partir. Le voilà
à Prague. Il y rencontre Gandhi (le grand Armin Muelier-Stahl), un héros celui-là. Aryen, allemand, résistant antinazi, échappé de Dachau, qui aimera la Tchèque Alena. Partir, il faut partir. Les voici à Paris. Bientôt la guerre. Ferry est juif et parle allemand, tout contre lui. C'est l'exode, pour les juifs, une vieille histoire. Pas de papiers, les trois amis sont arrêtés, séparés, enfermés par les Français dans un camp de rétention. Evasion, rejoindre Marseille, partir encore. Vers l'Amérique, l'ailleurs, le loin. On entend cette réplique si belle: " L'âme est une terre lointaine." Le ciel est vide.
Autriche, mère blafarde
Deuxième partie Santa Fe, qu'Axel Corti réalise en 1986, en même temps que We!come In Vienna. Santa Fe, comme un fantasme, qu'on ne verra jamais. Que le jeune Freddy Wolf (Gabriel Barylli), débarquant épuisé à New York en 1940, ne verra jamais. li y a d'autres fuites à désirer pour échapper à de nouvelles misères. L'écrivain ne peut plus écrire, car il a perdu les mots de sa langue natale, l'acteur ne trouve qu'un emploi d'imitateur de chiens, Freddy chipe des miettes de biscuit aux écureuils de Central Park, Freddy qui, malgré lui, a le mal du pays, ce pays du mal. Autriche mère blafarde. Il va y retourner, comme soldat. Soldat américain. On entend cette réplique si forte • Ils ne nous pardonneront jamais ce qu'ils nous ontfait. J
Troisième partie Welcome In Vienna, au titre d'une douloureuse ironie. 1945. Revenu en uniforme de vainqueur. Freddy est-il à nouveau un juif de Vienne, ou toujours un « youpin viennois. ? Dans la ville en ruine, toutes les déceptions, les trahisons sont incarnées. Y a-t-il encore un avenir dans cette Europe qui se reconstruit? Et qui, aujourd'hui encore, reste à construire? Magnifique. _
26 novembre au 2 décembre 2011 1 Marianne 1 97